Pourquoi et Comment Changer le Statut de son Entreprise ?
Le changement de statut juridique représente une étape stratégique dans la vie d'un freelance, permettant de s'adapter aux évolutions de son activité, de son environnement économique. Cette transformation, qu'elle soit opérée par voie de modification statutaire ou par création d'une nouvelle entité, nécessite une réflexion approfondie et une préparation minutieuse. Les motivations, conséquences et procédures varient considérablement selon les situations, ce qui rend indispensable une connaissance précise des enjeux et des démarches à entreprendre.
Pourquoi changer le statut juridique de son entreprise ?
Adapter la structure à la croissance de l'activité
La croissance d'une entreprise entraîne souvent la nécessité de faire évoluer sa structure juridique :
Une micro-entreprise qui se développe peut rapidement atteindre les limites de son statut initial. En effet, en cas de dépassement de plafond de chiffre d’affaires de l’auto-entrepreneur, celui-ci passe directement au régime réel simplifié d’imposition de l’entreprise individuelle, mais il est possible d’opter pour la création d’une société à la place.
L'augmentation du chiffre d'affaires, l'élargissement de la clientèle, la diversification des activités ou encore le recrutement de personnel.
La transformation en société facilite également l'accès à des financements plus importants. Par exemple, le passage d'une entreprise individuelle à une SARL ou une SAS permet d'ouvrir le capital à d'autres personnes qui pourront apporter des fonds propres supplémentaires.
Optimiser la fiscalité et la protection sociale du dirigeant
La fiscalité et la protection sociale constituent des enjeux majeurs dans le choix du statut juridique d'une entreprise.
Le statut juridique détermine non seulement le régime fiscal applicable à l'entreprise mais aussi celui du dirigeant.
À titre d’exemple, le passage d'une micro-entreprise à une entreprise individuelle ou à société soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) permet, par exemple, de bénéficier d'un taux d'imposition souvent plus avantageux que celui de l'impôt sur le revenu (IR), particulièrement pour les activités générant des bénéfices importants.
Le taux normal de l'IS à 25 % peut s'avérer nettement inférieur aux tranches marginales de l'IR qui peuvent atteindre 45 %.
La question de la protection sociale du dirigeant est également déterminante. Selon que le dirigeant est considéré comme travailleur non salarié (TNS) ou assimilé salarié, ses droits et obligations diffèrent considérablement.
À titre d’exemple, le président d’une SASU à l’IS est un assimilé salarié s’il est rémunéré. Il paie de lourdes cotisations sociales sur sa rémunération (environ 80 % du salaire net), mais bénéficie en contrepartie d’une protection sociale complète (sauf en ce qui concerne l’allocation chômage). À l’inverse, le gérant d’une EURL est un travailleur non salarié. Ses cotisations sociales sont moins élevées (45 % du bénéfice), mais il a une protection sociale limitée.
Par ailleurs, la rémunération du dirigeant est déductible à l’IS, ce qui n’est pas le cas à l’IR.
Intégrer de nouveaux associés ou investisseurs
L'entrée de nouveaux associés représente une motivation fréquente pour changer de statut juridique. Il existe plusieurs façons de faire entrer un nouvel associé au sein d'une société (cession de parts, augmentation du capital social, etc.).
Cette intégration peut s'avérer nécessaire pour :
financer la croissance ;
apporter de nouvelles compétences ;
préparer une transmission.
Pour une entreprise individuelle, l'accueil d'associés implique obligatoirement la création d'une société, car par définition, l'entreprise individuelle n'a pas d’associé. Cette transformation nécessite la création d'une nouvelle entité juridique et le transfert du fonds de commerce vers cette structure.
Pour les sociétés existantes, deux principales méthodes permettent d'intégrer de nouveaux associés :
Une augmentation de capital. Lorsqu’une entreprise accueille un nouvel associé via une augmentation de capital, elle émet de nouvelles parts ou actions, ce qui entraîne une nouvelle répartition du capital.
La cession de parts ou d'actions détenues par les associés existants. Cette opération n'augmente pas les fonds propres de l'entreprise, mais permet une redistribution du capital entre les actionnaires.
Bon à savoir :
Une SARL a un nombre restreint d’associés : 100 au maximum.
Répondre à des objectifs de transmission ou de cession
La transmission ou la cession d'une entreprise peut nécessiter un changement préalable de statut juridique :
La préparation d'une transmission familiale. Une entreprise individuelle, par exemple, n'offre pas la possibilité de transmettre progressivement l'activité par cession partielle. Or, une transmission progressive permet de réduire les droits de mutation dus grâce au démembrement de propriété et aux abattements renouvelables tous les 15 ans.
Pour une cession à des tiers, le statut juridique influence directement la valorisation de l'entreprise et les modalités de la transaction. Certaines structures, comme les sociétés anonymes (SA) ou les sociétés par actions simplifiées (SAS), facilitent les opérations de cession grâce à la libre négociabilité des actions.
Le changement de statut peut également s'inscrire dans une stratégie d'optimisation fiscale de la cession. Par exemple, les dirigeants de PME partant à la retraite peuvent bénéficier d'abattements spécifiques sous certaines conditions, ce qui peut justifier une adaptation préalable du statut juridique.
La transformation de l'entreprise permet aussi d'anticiper les problématiques de gouvernance post-cession, notamment lorsque le dirigeant souhaite rester impliqué pendant une période transitoire.
Limiter sa responsabilité en tant qu’associé. Selon la forme juridique de la société, votre responsabilité peut être : limitée au montant de vos apports, indéfinie (rembourser les dettes de la société proportionnellement à votre part dans le capital social en cas de défaillance de l’entreprise) ou encore indéfinie et solidaire (régler l’ensemble des dettes sociales de la société si elle ne paie pas).
Bon à savoir :
Votre forme juridique ne vous convient pas, mais vous ne savez pas laquelle choisir ? Notre comparateur vous aide à trouver le statut juridique qui convient le plus à votre situation personnelle et professionnelle.
Conditions préalables au changement de statut d'entreprise
Respecter les exigences légales liées à la nouvelle structure
Chaque forme juridique est encadrée par des dispositions légales spécifiques qui déterminent ses caractéristiques fondamentales (capital social minimum, nombre d’associés, obligations comptables). Le respect de ces exigences constitue un préalable indispensable à tout changement de statut.
Forme juridique | Capital minimum | Nombre d'associés | Commissaire aux comptes | Assemblées obligatoires |
---|---|---|---|---|
Entreprise individuelle | 0 € | 1 | Non | Non |
EURL/SARL | 1 € | 1 à 100 | Obligatoire si 2 des 3 seuils sont dépassés* | Tout dépend de la forme (EURL ou SARL) et des statuts |
SAS/SASU | 1 € | 1 minimum, pas de maximum | Obligatoire si 2 des 3 seuils sont dépassés* | Tout dépend de la forme (SASU ou SAS) et des statuts |
SA | 37 000 € | 2 minimum (non cotée) et 7 pour une société cotée | Obligatoire si 2 des 3 seuils sont dépassés* | Oui |
*Seuils : 5M€ de bilan, 10M€ de CA HT, 50 salariés
Pour les transformations en une société par actions (SA, SCA ou SAS), la nomination d'un commissaire à la transformation est nécessaire si l’entreprise n’a pas de commissaire aux comptes . Ce professionnel évalue les actifs de la société et s'assure que la valeur des capitaux propres est au moins égale au capital social, garantissant ainsi les intérêts des associés et des créanciers.
Obtenir l'accord des associés selon les modalités statutaires
Le changement de statut juridique nécessite l'accord des associés ou actionnaires selon des règles de majorité spécifiques à chaque structure.
Dans une SARL, les décisions de transformation requièrent l'approbation des associés. La majorité requise dépend de la nouvelle forme envisagée (par exemple, l’unanimité pour une transformation en SAS). Cette majorité qualifiée vise à protéger les associés minoritaires face à un changement fondamental de la société.
Pour une SAS, les règles de majorité sont fixées librement par les statuts, offrant ainsi une grande flexibilité. Toutefois, en l'absence de précision statutaire, l'unanimité est généralement requise pour les décisions modifiant substantiellement les statuts, comme un changement de forme juridique.
À noter :
La convocation des associés à l’assemblée générale extraordinaire doit respecter des formalités précises, variables selon la forme sociale, sous peine de nullité de la décision. Les délais de convocation, les modalités d'information préalable et les règles de quorum doivent être scrupuleusement observés pour garantir la validité de la décision. Vous pouvez généralement trouver ces informations dans les statuts de la société.
Vérifier la compatibilité avec les activités exercées
Certaines activités sont soumises à des restrictions quant à la forme juridique sous laquelle elles peuvent être exercées.
Les professions libérales réglementées font l'objet de dispositions particulières (ex : cabinets d'avocats, d'expertise comptable ou les officines de pharmacie). Il faut exercer sous des structures spécifiques comme les sociétés d'exercice libéral (SEL) ou les sociétés civiles professionnelles (SCP).
Certains secteurs d'activité imposent également des contraintes particulières (ex : domaine bancaire et financier, les établissements de crédit). Ils doivent obligatoirement être constitués sous forme de société commerciale avec un capital minimum substantiel. De même, les compagnies d'assurance sont soumises à des exigences spécifiques quant à leur forme juridique et leur capital.
Pour les agréments, licences et autorisations administratives un changement de statut peut remettre en cause la validité de ces autorisations si elles ont été accordées intuitu personae, c'est-à-dire en considération de la personne ou de la structure spécifique.
Les contrats en cours (baux commerciaux, contrats de financement, marchés publics, partenariats commerciaux, etc.) peuvent également contenir des clauses limitant la possibilité de changer de forme juridique ou imposant des obligations d'information préalable.
L'adhésion à certains réseaux, franchises ou coopératives peut être conditionnée à l'adoption d'une forme juridique particulière.
Étapes clés pour transformer la forme juridique de l'entreprise
Si passage d’une entreprise individuelle à une société
La transformation d'une entreprise individuelle en société s'apparente à une création d’entreprise, car l'entreprise individuelle ne dispose pas de personnalité juridique propre.
Cette opération nécessite trois phases clés.
Évaluation patrimoniale et choix du statut : l'entrepreneur doit réaliser un inventaire détaillé comprenant les actifs corporels (matériel, stock), incorporels (fonds de commerce, brevets) et immobiliers. Cette évaluation conditionne l'apport initial au capital social de la nouvelle société.
Création de la nouvelle entité juridique : la création s'effectue via le Guichet unique de l'INPI, avec dépôt des statuts, publication d'une annonce légale et immatriculation au RNE. Les statuts doivent anticiper le transfert d'activité et prévoir les mécanismes de reprise des contrats en cours. Exemple : un artisan ébéniste transformant son entreprise individuelle en SASU devra préciser dans les statuts la reprise des commandes en cours et des engagements fournisseurs.
Transfert du fonds de commerce, trois méthodes sont possibles :
Méthode | Avantages | Inconvénients | Coûts |
---|---|---|---|
Apport en nature | Exonération de TVA sous conditions | Risque de requalification en cession | Droits d'enregistrement (de 0 à 5 %) |
Cession commerciale | Transfert de propriété immédiat | Taxation sur la plus-value | Droits d’enregistrement (de 0 à 5 %) |
Location-gérance | Maintien temporaire de l'exploitation | Complexité contractuelle | Loyer mensuel + garantie |
À noter :
L'apport en nature reste la solution privilégiée pour les activités commerciales, permettant un transfert fiscalement optimisé sous réserve de respecter les conditions de l'article 210 A du CGI. Elle permet d’obtenir des titres sociaux correspondant à l’apport réalisé. Pour les professions libérales, la cession de clientèle est strictement encadrée et peut nécessiter une autorisation de l'ordre professionnel.
Si passage d’une société à une autre forme de société
La transformation d’une société en une autre forme juridique préserve la personnalité morale tout en modifiant son régime juridique.
Cette opération requiert de suivre une procédure précise.
1. Audit préalable par un commissaire à la transformation : obligatoire pour une transformation en société par actions (SA, SAS, SCA), cet expert vérifie la réalité des actifs nets et l'absence de préjudice pour les créanciers. Son rapport, annexé à la décision de transformation, engage sa responsabilité civile pendant cinq ans.
2. Décision collective des associés : les majorités requises varient selon la forme initiale et la forme choisie (par exemple, l’unanimité lorsqu’une SARL souhaite prendre la forme d’une SAS).
3. Modification statutaire : la modification des statuts est actée dans le procès-verbal de l’AG. Il indique le changement de forme juridique, la date de prise d’effet, la nouvelle répartition des titres sociaux, la rédaction des nouveaux statuts et la nomination des dirigeants.
4. Formalités de publicité : le changement de forme juridique doit être publié dans un journal d'annonces légales (JAL) habilité dans le délai d’un mois suivant l’AG. L’avis de transformation doit mentionner : les modifications intervenues, la forme sociale abandonnée et nouvelle forme adoptée, la dénomination sociale, le siège social, le numéro Siren, le montant du capital social et la mention de l’immatriculation.
5. Dépôt sur le Guichet unique : le changement de forme social est à déclarer sur le Guichet unique dans le même délai d’un mois avec un exemplaire du procès-verbal d’AG, les statuts mis à jour, le rapport du commissaire à la transformation et l’avis de parution.
6. Mise à jour des contrats : les principaux contrats (baux, emprunts, assurances) doivent être renégociés pour refléter la nouvelle identité juridique. Une clause de changement de contrôle peut parfois déclencher des pénalités ou des résiliations anticipées.
Bon à savoir :
En cas de modification des bénéficiaires effectifs, vous devez également faire une nouvelle déclaration des bénéficiaires sur le Guichet unique.
Conséquences du changement de statut d’entreprise
Conséquences sociales
En fonction de la nouvelle forme juridique de la société, le statut social du dirigeant peut évoluer.
Passage de TNS (régime social des indépendants) à assimilé salarié (par exemple, une SARL transformée en SAS) : augmentation des cotisations.
Maintien en TNS (transformation d'une EURL en SARL) : conservation du régime social, mais perte possible d'avantages spécifiques.
À titre d’exemple, un associé gérant d’une société à l’IR supportait environ 45 % de cotisations sociales sur les bénéfices annuels. S’il passe à une société à l’IS, il reste de devenir assimilé salarié. Les cotisations sociales passeront à 80 % de sa rémunération nette.
À noter :
Les droits à la retraite font l'objet d'un transfert partiel nécessitant une déclaration spécifique à la CNAVPL et à l'Agirc-Arrco. Les périodes d'activité antérieures restent acquises, mais les cotisations futures suivent le nouveau régime.
Conséquences fiscales
La transformation peut être neutre fiscalement ou générer une imposition immédiate des plus-values selon la continuité juridique.
Transformation avec maintien de la personne morale : report des plus-values latentes si régime fiscal similaire.
Création d'une nouvelle entité : taxation des plus-values sur les apports.
Exemple : La transformation d'une SARL à l'IS en SAS à l'IS est neutre. À l'inverse, le passage d'une SARL à l'IR en SAS à l'IS déclenche une imposition immédiate des réserves latentes.
L’imposition de la plus-value dépend du régime fiscal de la société : IR ou IS et de sa catégorie (plus-value à court terme ou à long terme).
À noter :
Il existe de nombreux dispositifs d’exonération des plus-values en fonction du régime fiscal de la société (par exemple, exonération en fonction du montant des recettes, exonération en fonction du prix de cession ou exonération en cas de départ à la retraite).
Conséquences juridiques
La personnalité morale persiste sauf création d’une nouvelle entité (par exemple, la transformation d’une entreprise individuelle en société), entraînant :
le maintien des contrats en cours sous réserve de notification aux cocontractants ;
la conservation des antériorités en matière de propriété intellectuelle ;
la poursuite des procédures judiciaires en cours.
Les principaux risques juridiques incluent :
la requalification en cessation d'activité par l'URSSAF (si transfert incomplet) ;
la nullité pour vice de consentement (défaut d'information des associés) ;
la responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actifs.
Conséquences vis-à-vis des tiers
C’est la déclaration de la transformation (et de la modification des statuts) qui permet d’obtenir sa publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) et l’opposabilité aux tiers.
Astuce :
Avec le portage salarial, pas de modifications statutaires, pas de démarches administratives, pas de comptabilité, etc. Juste la liberté d’exercer votre activité en totale indépendance et de bénéficier d’une protection complète.
FAQ
Qu’est-ce que le statut juridique d’une entreprise ?
Le statut juridique d’une entreprise désigne la forme légale sous laquelle elle est constituée (ex. : entreprise individuelle, SARL, SAS). Il détermine son mode de fonctionnement, ses obligations fiscales et sociales, ainsi que les responsabilités du dirigeant et des associés.
Comment modifier les statuts d’une entreprise ?
Les statuts d'une entreprise sont un document juridique essentiel qui fixe les règles de fonctionnement et d'organisation de la société. Pour une société, la modification des statuts nécessite une assemblée générale extraordinaire des associés ou actionnaires pour valider les changements, suivie de la mise à jour des statuts, leur publication dans un journal d’annonces légales, et leur dépôt sur le Guichet unique.
Pour une entreprise individuelle, il n'y a pas de "statuts" à proprement parler, mais le dirigeant peut modifier son activité ou son régime en déclarant les changements sur le Guichet unique.
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